mercredi 4 mai 2011

Fuck le peuple, fuck les électeurs, et fuck ceux qui sont ont désaccords avec les politiques économiques et sociales que j'essaie d'enfoncer dans la gueule des Français et des barbares hors-frontières (et plutôt situés au sud) ! 


C'est ce que semblait dire Henri Guaino, le «conseiller spécial» du président de la République, aux lecteurs du Monde qui lui ont posé des questions parfois piquantes lors d'un chat. Après tout, en tant qu'écrivain des discours du président, Guaino est aussi l'un des créateurs du Sarkozysme et l'homme de l'ombre parmi les plus puissants de France. Il est logique de lui attribuer une part de responsabilité à assumer lorsqu'il est question de la situation, tragique dans sa 'kafkaïenneté', de notre patrie. 

Guaino cultive le sens de la contradiction. Il s'affirme gaulliste, insistant sur le fait que «la démocratie, c'est le suffrage universel» mais, en même temps, il ne parvient pas à expliquer la disproportion (ou la dichotomie, je ne sais plus) qui existe entre l'électorat ultra-minoritaire qu'il représente et l'influence d'un Dick Cheney qu'il exerce sur les politiques [in]nationales. 


Il joue la carte de l'humilité: il avoue s'être présenté «un jour à une élection […] dans le 5e arrondissement [de Paris]. J'ai été battu au premier tour. Cela en défendant les valeurs auxquelles je croyais». Avant de [presque] rajouter: Par la suite, je suis devenu le cerveau politique d'un président d'extrême-droite qui préfère enrichir les fortunés au détriment des travailleurs et diviser une société dite héritière des Lumières en cherchant des bouc-émissaires (sans-papiers, Roms, musulmans) pour cacher la responsabilité des élites dans la crise économique mondiale. On l'applaudit pour sa retenue. Et on le félicite d'avoir compris que changer de rôle dans le jeu politique sans affronter le suffrage permet de rester fidèle à ses valeurs, pourtant rejetées par le peuple, et d'exercer une grande influence auprès des hommes de pouvoir. 

Guaino essaie de se reprendre en abusant de la rhétorique: «Mais pourrais-je me permettre d'ajouter que l'intelligence d'un point de vue, sa véracité, voire sa légitimité, dans une démocratie où par définition tout le monde a le droit de s'exprimer, ne dépendent pas du résultat d'une élection dans un arrondissement de Paris ou dans une circonscription électorale ?». Il semblait que théoriquement, un système 'gaulliste' de démocratie représentative devait se charger de trancher le sujet: par le suffrage direct le public accorde sa confiance à des hommes politiques responsables devant lui. Ceux que le public rejette ou n'élise pas s'expriment sur un blog, pas à l'oreille du président.


Ainsi, une personne impopulaire et sans 'base' électorale (que ce soit une circonscription, un secteur économique, des internautes indignés ayant signés une pétition) dans la vie politique ne devrait pas bénéficier d'un temps d'antenne exponentiellement supérieur à d'autres agents plus représentatifs d'un segment donné de la population, a fortiori être chargée ou non des affaires de la Nation (pourquoi Sarkozy nommerait-il pas un syndicaliste pour être son conseiller spécial ? Ne représenterait-il pas plus de contribuables-électeurs qu'un Guéant ou un Guaino?). Dans le chat organisé par Le Monde, les lecteurs n'ont pas eu un droit de réponse aux réponses de Guaino (pour le relancer ou le mettre en difficulté) et le «modérateur» n'a pas jugé nécessaire d'ajouter une annexe à la fin de l'«entretien» pour analyser les propos du conseiller spécial. Guaino est venu, a lu quelques questions, est parvenu à raconté n'importe quoi sans qu'il ait eu à se forcer face à un interlocuteur et est rentré chez lui peinard. Pendant qu'en bas de la pyramide ça souffre.

Le conseiller a tout de même gratifié la plèbe d'une valeur intellectuelle digne d'un macaque. Un internaute Emile lui demande son «analyse […] de la persistance des sondages de popularité, ou plutôt d'impopularité, de Nicolas Sarkozy et des faibles intentions de vote en sa faveur pour 2012 ?» ; Guaino s'en tape: «Aucune. Je ne me suis jamais beaucoup intéressé aux sondages. Ce qui m'intéresse, ce sont les valeurs auxquelles je crois et celles que défendent les candidats que je soutiens». 


Une bonne vision 'gaulliste', pour ne pas dire totalitarienne, de la vie politique: un leader, une idéologie, une patrie, etc etc. En fait, Guaino a besoin d'un relais médiatisable (vu sa tronche...) pour imposer sa vision du monde. Je dis «vision», parce qu'elle est déconnectée de la réalité, comme le montrent ses propos suivants.

On lui demande quelles sont pour lui les réformes marquantes du quinquennat de Sarkozy. C'est le moment de sortir l'artillerie de talking points et de mauvaise foi: «L'autonomie des universités est une véritable révolution […] les réforme des retraites, parce qu'elles permettent de sauver le système de retraite par répartition […] le crédit d'impôt-recherche, qui est un outil essentiel». A part quelques phrases bien tournées, Guaino n'apporte aucune explication des crises actuelles, ne répond à aucune des critiques formulées à l'égard de ces réformes, et au contraire abuse de son autorité en n'argumentant pas son cas de manière interactive avec les internautes. 

Pour prendre du recul sur le «bilan» de Nicolas Sarkozy à la tête de la France, il faut rappeler les 'faits marquants' de la période 2007-2011: la crise financière qui devient économique et globale ; la tentative avortée de créer une Union Pour la Méditerranée avec des dictateurs sous pressions (ou qui ont déjà fuis...) ; des scandales internes, comme l'affaire Karachi, l'affaire Bettencourt, les abus ministériaux, entre autres (qui, dans un État de droit, garantirait un passage en prison pour certains) ; les conférences de Copenhague et de Mexico qui n'ont rien apporté de concret ; les révolutions arabes ; les catastrophes naturelles, le réchauffement climatique et les drames humanitaires (cyclones et tremblements de terre en Haïti, inondations au Pakistan, tsunami et tremblements de terre au Japon qui ont provoqué une catastrophe nucléaire, des morts par tornade aux USA...) ; les plans d'austérité en Europe et j'en passe.

Les réformes que Guaino considère importante le sont, mais pas pour les raisons qu'il exprime. Elles sont avant tout importantes de part leur impopularité. 

La loi d'autonomie des universités à été dénoncée à maintes reprises et le jeudi 29 janvier 2009, 20 000 enseignants-chercheurs (ainsi que de nombreux étudiants) ont fait grève dans toute la France. Des CRS nerveux n'attendaient que la baston mais, comme le souligne Mathieu Rigouste, le savoir-faire Français en termes de contrôle des foules a permis d'éviter les abus physiques: «Il faut garder en mémoire que la logique interne du système auquel nous faisons face est de maintenir la légitimité du souverain auprès de ses sujets et de préserver l'ordre économique et social. […] Les modèles français gardent une renommée, on reconnaît à la patrie des droits de l'homme une certaine expertise pour mener la guerre dans et contre le peuple. […] La répression des émeutes de l'automne 2005 et du CPE a tout de même été considérée dans les instituts privés et officiels étrangers, comme un retour de la France parmi les experts incontestables du maintien de l'ordre». 

La seconde retraite «clé» de Sarko selon Guaino serait la réforme des retraites. Il nous apprend qu'elle va sauver le système, alors que Sarkozy lui-même avait promis pendant la campagne de 2007 de ne pas y toucher sous prétexte que «Le Financement des retraites est équilibré jusqu'en 2020 […] contesté par personne». Le 23 janvier 2007, il va jusqu'à déclarer au Monde que «le droit à la retraite à 60 ans doit demeurer, de même que les 35 heures continueront d'être la durée hebdomadaire légale du travail. Que ce soit un minimum, cela me va très bien». 

Guaino choisit aussi de passer sous silence les 3,5 millions personnes qui ont manifesté (estimation haute) le mardi 12 octobre 2010 contre cette réforme. C'est plus d'électeurs-citoyens présents que lors de son scrutin à l''élection dans le 5e arrondissement' mais, contrairement à Guaino, ceux-ci ne doivent pas posséder une «intelligence de point de vue» digne d'être entendue.

Nous en venons enfin à la réforme crédit-impôt, une réforme faite au «mépris du bon sens et de l'efficacité». Je comprend pourquoi Guaino n'a pas accepté de rester pour "discuter" avec les lecteurs : il savait qu'il racontait de la merde. 

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